Pense à l'art barbarisé
A la
gravure de tes nègres doigts
A la
sculpture de tes mains gercées
A la
peinture de ton nez sphinx
A l'art qui
donna le cube avec isme
L'art c'est
le Printemps
Et l'art
délivre l'esprit en détresse
Pense aux
balafons frénétiques
Suintant de
rythme strident et féminin
Pense aux
tambours calebasses
Roulant la
cadence à voix dense
Pense aux
grelots de tes pieds étranglés
Armant la
danse mitrailleuse
Pense enfin
à la chanson
Poésie
mystique qui te mène à la vie
Pense à la vie sous l'arbre
En
communauté et dans la joie
Près du
blanc ruisseau de raphia
C'est des
palabres disent-ils
Vois-tu le
kola juge
La sagesse
de tes Pères
Leurs mots
paisibles
Sages et
brassés sur mesure
Coulant
doux dans ta gorge et juteux
Donnant
souffle à tes poumons désertiques
D'athlète
parcourant la terre
Et voulant
vivre selon tes désirs
Pense aux
plantes
N'oublie
pas les plantes sacrées
Leurs
vertus curatives
Parles-tu
encore avec les plantes
Vous
communiquez-vous encore avec des plantes
N'oublie
point la symbolique des plantes
La plante
soigne parle conseille et protège
Pense aux
oiseaux du ciel
Aux animaux
de la terre
N'oublie
pas les animaux hommes
Leurs cris
Leurs
comportements te parlant
Les animaux
te sont messagers et parfois guides
Pense à
l'eau
A la vie
dans l'eau
Aux
déhanchements de l'eau ventée
Onde de
chevelure folle de terreur
La marrée
monte dans ta gorge douloureuse
Colporte
les larmes de tes aînés sur l'océan traînant
Vers
l'au-delà du déracinement
L'au- delà
de la servitude
L'au-delà
de l'horreur
L'au-delà
de la bastonnade
L'au-delà
de la torture
L'au-delà
de la mort
Sais-tu
encore que l'eau parle avec le ciel
Avec les
astres
Avec le
vent
Avec les
hommes
Cause avec
l'eau
Et ne t'en
détourne point
Pense au
vent
A son
regard plaintif
Ondulant
sur l'onde en pleurs
Il siffle
les cris de leurs âmes torturées
Les
craquelures de ton dos céleste
Vers toi
toi qui les a vendus
Toi qui vit
sur les larmes de sangs humains
Pense à la
terre
De là tu
viens
Là tu vis
Et là tu
retournes
La nature
te porte secours
La nature
te porte conseil
Par la
grâce du Très-Haut
Pense à
Dieu
Au Dieu de
nos Pères
Nos Pères
sont des dieux
Pense aux
nombres
Aux huit
jours de la semaine
Aux sept
notables
Aux neuf
notables
A la nuit
précédant la lumière dans un jour
Car le noir
est premier
As-tu oublié l'autopsie des morts
Et sa philosophie
sacrée
Débitée en
langage mystérieux
Parmi tous
les morts je l'absolvirai
Pense à tes
coutumes
Garde-les
dans ton cœur
Marche avec
tes coutumes
De peur de
perdre pied
De peur
d'être un retranché
Marche
protège tes coutumes
Pour avoir
ta place dans le grand village